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jeudi 7 novembre 2013

S'il te plaît, dessine-moi une valune

Bilan chez l'orthophoniste pour la "pragmatique du langage".

La première, consultée au printemps, a évalué les aspects plus classiques de l'orthophonie, la prononciation, la syntaxe, la compréhension, l'intelligibilité. Elle n'a rien décelé de particulier de ce côté-là, notant simplement un manque de contact visuel.

Le pédopsychiatre vous oriente donc vers une autre orthophoniste, spécialisée en suivi des TED, pour évaluer la fameuse "pragmatique du langage", c'est-à-dire la capacité à utiliser le langage pour communiquer avec autrui (comment le contact est établi et maintenu, comment l'enfant s'y prend pour entretenir une conversation, pour signaler qu'il ne comprend pas, etc). Dans son cabinet, je remarquerai un support pour pictogrammes, utilisé avec des enfants TED non verbaux.

Le bilan a été effectué en deux fois eu égard à l'âge de poussin et à ses capacités d'attention (ou absence des susdites). Entre les deux, une semaine pour remplir, nous les parents, trois questionnaires (le plus long faisait dix-sept pages!) et les renvoyer à la dame par courrier électronique. Nous nous sommes d'ailleurs rendus compte que nous n'avions pas toujours la même perception des choses. Quelques discussions intéressantes à la clé. 

J'ai trouvé le processus fascinant, abstraction faite de l'aspect "c'est mon gosse qu'on est en train d'évaluer, là". J'enseigne une langue vivante, ce qui fait que je ne pars pas en courant quand on commence à me parler de phonèmes et d'aspects morpho-syntaxiques de ceci ou cela. Et comme le langage, c'est un peu mon fonds de commerce, j'ai ouvert bien grand mes mirettes et fait travailler mes petits neurones.

Première séance.

Quelques questions sur le développement du langage, l'orthophoniste abandonne rapidement cette piste. Nous parlons brièvement école, AVS, psychomot, TDAH. Pendant ce temps, poussin fait des puzzles alphabet.

Premier test. La dame lui demande un dessin... sans lui donner de crayon. Zébulon commence par dessiner sur la feuille avec son doigt; au bout d'un moment, illumination: "mais y'a pas de crayon!" Crayon obtenu, il doit représenter une fleur (tiens, je ne l'avais jamais vu faire, il dessine plutôt pas mal, il s'applique pour que les pétales ne dépassent pas) puis une "valune". Demande d'explicitation immédiate. Ouf maternel. Finalement, une "valune", c'est "un peu comme une voiture". Il commence à dessiner les roues de la voiture, perd le fil, le dessin part dans tous les sens.

L'orthophoniste met en place une caméra pour la suite du bilan, ce qui lui permettra de visionner tranquillement l'enregistrement plus tard au cas où elle n'aurait pas tout noté. Zébulon est fort intéressé, mais aura bien du mal à rester dans le champ de la caméra pendant toute la séance!

Ensuite, elle sort un sac avec de petits personnages, un chat, un chien, un banc. Cela lui servira à vérifier la compréhension et la production de catégories telles que masculin/féminin, singulier/pluriel, devant/derrière, les adjectifs possessifs, le passif et l'actif (et d'autres encore, sans doute). Il faut régulièrement recentrer poussin sur le test, il a tendance à attraper la petite voiture et à la faire rouler sur le mur. A la fin, la dame me dit qu'il comprend très bien et qu'elle a peut-être choisi un test un peu trop simple. J'avais retenu une question qui disait à peu près "la petite fille s'est fait mal, montre-moi l'image correspondante". Je demande à l'orthophoniste ce qu'elle a noté pour cette question: bim, item raté. Du coup, elle lui lit une histoire qui comporte beaucoup d'implicite. Je vois bien que la compréhension ne suit pas. 

Fin de la première séance. Il était temps, il commençait à faire grimper sa chaise sur le mur.

Interlude d'une semaine. Devoirs à la maison pour papa et maman. Prérequis à la communication, communication non verbale, expression verbale, et tout et tout.

Deuxième séance. 

Cette fois-ci, j'attends dans la salle d'attente pendant la suite du bilan. Je comprends à peu près ce qui se dit à travers la porte close, mais il faut tendre l'oreille. Ils racontent des histoires, nomment des sentiments et émotions (sans doute à l'aide d'un livre). Ça roule pendant un moment, jusqu'à ce qu'elle lui propose un jeu de dînette, puis tente de jouer avec lui. Énervement immédiat du poussin, éclats de voix, j'entends "non, ce n'est pas les petits garçons qui décident ici", suivi presque immédiatement par le bruit d'un objet qui heurte la porte. Ambiance. L'orthophoniste fait sortir un zébulon tout énervé et me fait entrer dans le bureau. "Et il est souvent opposant comme ça?" "Oh que oui *soupir* " "Bon, alors il va falloir que je trouve comment gérer ça". (Viens là que je t'embrasse, madame).

Premier bilan oral: il y a bien des difficultés pour identifier et exprimer les sentiments, les émotions. Un suivi hebdomadaire est mis en place.

Bilan écrit, reçu une semaine plus tard environ: pour la première fois, en toutes lettres, "trouble envahissant du développement". Bim.
Le "programme de travail" semble bien calibré: scénarios sociaux, théorie de l'esprit (ou comment apprendre à Zébulon à inférer ce que pensent les autres, il ne sait pas le faire), informativité.

Et apprendre à dessiner une valune, bien entendu.


mercredi 23 octobre 2013

Cinquans

Aujourd'hui, Zébulon a cinq ans. J'ai un peu du mal à croire qu'il y a cinq ans, j'étais à la maternité avec un petit paquet de trois kilos dans les bras. Cela me parait tellement loin, et puis paradoxalement le temps est passé très vite, aussi.
Déjà la moitié d'une décennie de passée. Le ventre qui pousse gentiment, le tout petit paquet dans les bras, le bébé RGO qui hurle pendant des heures, le bambin qui fait ses premiers pas, le petit bonhomme qui dit deux, puis trois, puis quatre mots alignés, le "terribeul two" qui se roule par terre et pique des colères monumentales, l'écolier qu'on va chercher la boule au ventre en se demandant avec quelle tête la maîtresse va nous accueillir, le petit grand garçon qui, tout d'un coup, mesure plus d'un mètre, chausse du 29, est de plus en plus nettement différent de ses camarades.

Votre bébé est trop souvent dans vos bras, votre bébé ne devrait pas téter si fréquemment, votre bébé va avoir mal au dos dans l'écharpe de portage, votre bambin est très énergique, votre bambin ne veut pas faire la sieste, votre enfant est mal élevé, votre enfant a besoin d'un cadre, votre enfant a été vu par le psychologue scolaire, votre enfant a besoin d'un bilan en psychomotricité, votre enfant est une terreur sur pattes, votre enfant est TDAH, votre enfant est Asperger.

Je me demande où nous en serons dans 5 ans, dans 10 ans. Je n'arrive pas à me projeter à son âge adulte. Est-ce qu'il fera des études, aura du travail, une petite amie?

Parfois, j'ai du mal à suivre le rythme. Une minute, il fait des choses "normales" de petit garçon, la minute d'après, il saute partout en tenant un bout de ficelle ou raconte une longue histoire sans queue ni tête.

J'ai voulu lui faire un gros câlin d'anniversaire ce matin au réveil: peine perdue, il était occupé à monter et descendre du canapé.

Tout à l'heure, dans la voiture, nous avons eu une grande conversation sur les squelettes, les organes qui se décomposent (ou pas), les gens qui meurent pour telle ou telle raison.

***

Quand il sera grand, il veut être explorateur, jardinier et astronome (mais surtout explorateur).

En attendant, il joue beaucoup aux Légo, fait et défait sans cesse de grandes constructions, mais n'utilise presque jamais les petits personnages fournis avec la boîte de Légo. Il les pose au sommet de la "navette spatiale", et basta.

Il a fêté son anniversaire avec des copains samedi dernier. C'était la première fois: les autres années, cela ne l'intéressait pas. Nous avons invité plusieurs voisins, écrit les cartons d'invitation ensemble. Un jour, nous avons croisé la maman de Paul, qui ne pouvait pas venir. "Ce n'est pas grave", m'a dit Zébulon, "il n'y a qu'à inviter un autre Paul". 
Le jour de la fête, quand on lui dit "joyeux anniversaire" en présentant un cadeau, il répond "joyeux anniversaire".

Il aime aller à Disneyland (vive le passeport annuel!), particulièrement les manèges de Buzz l’Éclair et de Peter Pan. Il croit fermement que le manège "de l'espace" nous emmène VRAIMENT dans l'espace. Et si nous pouvons aller plusieurs fois dans ses attractions préférées, c'est parce que nous avons depuis peu une carte d'accès prioritaire. 

Il joue aux Légo (encore), construit une muraille et décrit: "et là, je me suis retrouvé nez à nez avec une brique".

Il connaît par cœur tous les engins de chantier et reste volontiers une dizaine de minutes à observer les camions qui vont et viennent.

Il a deux AVS à l'école et ne s'est jamais étonné d'avoir des adultes "rien que pour lui" en classe. Il a apporté en fin de période un cahier de travail où se côtoient les "TB" et les gribouillages sans fil directeur apparent.

Les jours de pluie, il prend grand plaisir à sauter dans les flaques avec ses bottes en caoutchouc et à partir à la chasse aux escargots.

Après les vacances, il va avoir deux séances de rééducation par semaine (psychomotricienne et orthophoniste), plus le rendez-vous mensuel chez le pédopsychiatre, l'école du cirque et les cours de natation. Je me demande combien de temps je vais tenir à ce rythme en travaillant à plein temps.

Il accourt pour consoler Petite Fleur quand elle se fait mal (quelquefois, il va même lui chercher son doudou) mais parfois, il la pousse ou la pince sans raison apparente, et ne semble pas comprendre la nécessité de dire pardon.

Quand je m'énerve, il me dit d'une petite voix: "J'ai très peur que tu ne m'aimes plus". Je lui répète invariablement que je l'aimerai toujours, quoi qu'il advienne. Parfois, nous faisons un gros câlin; parfois, il se dégage brusquement de mes bras et je récolte un coup de coude au passage.

Ainsi va la vie.



lundi 14 octobre 2013

D'un spécialiste à l'autre

Semaine chargée chez la famille Zébulon. Pas moins de trois rendez-vous médicaux pour poussin.

Tout d'abord, lundi matin, "notre" pédopsychiatre pour le point mensuel. La rentrée s'est bien passée, la maîtresse gère bien les inévitables débordements du zébulon, parvient mieux à le contenir, l'AVS aide beaucoup à le canaliser, une deuxième AVS est en cours de recrutement sur le mi-temps manquant. Jusqu'ici, tout va bien. Je récolte une carte de visite à transmettre à l'institutrice. Il faudra tout de même prévoir une équipe éducative dans un futur pas trop lointain. 
Nous reparlons du rendez-vous chez le spécialiste du TDAH. Elle pense qu'il faut tout de même mettre en palce une médication, eu égard à l'impulsivité et à la mise en danger de soi et d'autrui. Je lui raconte deux incident récents avec des gestes potentiellement dangereux - j'ai pris un bâton dans la figure, certes par accident, mais j'ai quand même récolté une petite entaille.
Dans l'ensemble, elle trouve poussin beaucoup plus rassemblé, même si moi je ne vois pas forcément l'évolution au jour le jour. Il suit beaucoup mieux les consignes, ne se fait pas rappeler à l'ordre toutes les deux minutes. Elle trouve aussi que je vais mieux. Pendant ce temps, Poussin joue avec des Légo, construit, aligne, nous sollicite de temps en temps. La psy me fait remarquer qu'il est de plus en plus dans l'interaction, même si cela reste une manière de communiquer "par pointillés". En tout cas, il adore les Légo du cabinet, il y a des grues, des poulies, il faudra penser à lui en acheter des comme ça.
Je lui montre une photo que j'ai prise: c'est un dessin d'un sous-marin que poussin a fait sur un tableau effaçable. Du coup, j'ai pris une photo avant d'effacer. J'ai bien fait: la photo montre une bonne évolution, un dessin "rassemblé" (décidément, elle aime bien ce terme) tant au niveau de la gestion de l'espace qu'au niveau de l'organisation de la pensée. Petite leçon d'analyse de dessin au passage: le dessin présente une double difficulté pour l'enfant TDAH, d'abord la difficulté à organiser sa pensée suffisamment longtemps pour construire le dessin, ensuite la difficulté de motricité fine. Au final, toute réalisation graphique est doublement problématique.
Au détour d'une phrase, tout à coup: "Ça ne fait aucun doute pour moi qu'il y a un TED" (gloups). 
Elle n'a pas l'air convaincue par l'hypothèse d'un syndrome d'Asperger. (mais alors, quoi?). Elle me conseille de ne pas laisser tomber la demande de bilan au CRA de l'hôpital Debré, ceci afin de garder la carte de l'équipe hospitalière pluridisciplinaire.

Lundi après-midi, séance de psychomotricité. Poussin y va avec son papa, il faut quand même que je prépare un peu mes cours, j'ai passé la matinée chez la psy.


Mercredi après-midi, le spécialiste du TDAH. 
Le cabinet est dans le même état que la dernière fois, odeur de peinture et tout. Dans la salle d'attente, poussin prend un livre "où est Charlie?" et l'emporte dans le cabinet du médecin. Arrive notre tour. Le temps de passer de la salle d'attente au cabinet du médecin, celui-ci a déjà repéré que poussin ne regarde pas du tout dans les yeux. Il me fait part de son observation. Tiens donc. Je ne suis pas du tout du tout surprise.
Je regarde le cabinet d'un autre œil maintenant que le petit est là avec moi. Toujours le même aspect dépouillé: pas de jeux, pas de décorations (sauf le tableau qui attend encore d'être accroché au mur, à moins que ce ne soit fait exprès? Peut-être que je ne comprends rien à l'art moderne, tout simplement!). Il y a l'immense bureau du médecin, un pèse-personne, une toise, deux chaises pour les patients, le fameux tableau et... c'est tout. Je regrette de ne pas avoir pris un ou deux jouets dans mon sac.
Les chaises, parlons-en: ce sont des chaises en plastique transparent, rigides et inconfortables. Je n'y avais pas prêté attention la dernière fois, mais il n'y a pas de barreau sur lequel poser les petits pieds. Zébulon a donc les pieds qui pendent dans le vide: à peine assis, il gigote, tourne, change de position, monte et descend de sa chaise. J'en suis à me dire que le mobilier est bien mal choisi pour un enfant, et puis, à la réflexion, ce doit être fait exprès. C'est sûr qu'on observe bien l'activité motrice, là!
Nous commençons la consultation, Zébulon me demande de lui lire "où est Charlie?". Le médecin saisit l'occasion pour lui demander de trouver Charlie sur une double page. Ça ne rate pas: il cherche pendant dix ou quinze secondes puis se met à compter le nombre de ballons dans l'illustration. Au bout d'un moment, il nous dit d'une petite voix: "je sais plus ce que je dois faire." Déficit d'attention validé. Il retrouvera la consigne une bonne dizaine de minutes plus tard.

Le docteur me fait une ordonnance pour la mise en place d'un traitement homéopatique. L'artillerie lourde, cela attendra l'entrée au CP, si possible. Je lui parle de l'impulsivité qui dérape beaucoup en ce moment, il note, cela semble le conforter dans son intention de ne pas trop attendre pour le mph.
Après, nous avons passé l'essentiel de la consultation à mettre en place une stratégie pour faire diagnostiquer le TED en libéral. Il ne nous envoie pas chez la consoeur qu'il a mentionnée la fois précédente - pour lui, c'est inutile, le TED ne fait pas de doute et il ne ressent pas le besoin de passer la main sur ce point. A prévoir en libéral, donc, un compte-rendu d'orthophonie (un autre!) pour la "pragmatique du langage" et un bilan chez une psychologue pour "habiletés sociales" et un test de QI. Dernière ligne droite avant que quelqu'un nous dise officiellement "votre gosse est autiste".

Cette fois ci, je trouve que le grrrrrand professeur n'est pas très avenant. Il parle à poussin d'un ton un peu sec, lui interdit de toucher à ci et à ça, ne lui propose pas d'alternative. Je ne sais pas s'il est habituellement comme cela avec les enfants - pourtant, il doit en voir passer beaucoup - ou si cela fait partie de son mode d'observation. Poussin, visiblement, s'ennuie. J'essaie de tout noter, de répondre aux questions tout en le canalisant sans m'énerver. Au bout d'un moment, avant la fin de l'entretien, il part carrément vers la porte. C'est bon, j'en ai vu assez, bye bye!

Après le rendez-vous, nous sommes allés faire un tour au Palais de la Découverte: ce n'est pas trop loin et il y a plein d'expériences à faire soi-même, des boutons où appuyer, des leviers à pousser. Comme j'avais sur moi le dossier médical complet du poussin, j'ai, pour la première fois, utilisé la notification MDPH afin d'obtenir la gratuité de la visite pour nous deux. Sentiment doux-amer au moment de présenter le papier. C'est bien de ne pas payer - on pourra y retourner souvent si le musée plaît au zébulon, son papa se fera sans doute un plaisir de l'y accompagner - mais c'est un pas de plus de franchi, le handicap qui s'installe un peu plus dans notre quotidien. Je préférerais payer l'entrée et avoir un gamin "standard", en somme - mais bon, comme on ne choisit pas... En tout cas, Poussin s'est éclaté à toucher à tout. Il a participé à une expérience avec un médiateur scientifique. Il a tout de même eu un petit peu peur des grenouilles et des crabes dans leurs vivariums. Je regarde les autres gosses, dont certains refusent carrément d'approcher les bestioles. A ce moment-là, rien ne distingue le mien des autres. Ça fait du bien.

lundi 7 octobre 2013

Du changement dans l'air

Aujourd'hui, j'ai fait un peu de ménage dans le blog, modifié la mise en page, corrigé deux-trois fautes de frappe et ajouté des libellés (ou "tags") pour classer les articles par thématiques. La liste complète des libellés se trouve à gauche du texte principal.
C'est presque un ménage printanier - d'ailleurs, avec ce beau soleil, on s'y croirait!
Amis lecteurs, n'hésitez pas à me dire si la nouvelle présentation vous paraît plus lisible (ou pas).

Nous avons vu la pédopsy ce matin, nous allons consulter le pédopsy (l'autre!) dans deux jours: un nouveau billet est en préparation, bien sûr.

jeudi 26 septembre 2013

Les gros mots

Mardi 17 septembre

Aujourd'hui, nous avons rendez-vous avec un nouveau pédopsychiatre (si, si), sans poussin. Le cabinet est situé dans les quartiers chics de Paris, l'installation est toute récente, visiblement: planchers qui craquent, murs nus, un tableau abstrait attendant d'être accroché au mur, odeur de peinture fraîche. Dans le cabinet du médecin, un immense écran d'ordinateur sur le bureau presque vide. Nous arrivons très en avance, il s'étonne de nous voir déjà dans la salle d'attente. C'est que nous n'avons pas l'habitude d'aller dans ce coin-là: du coup, nous avions prévu de nous perdre un peu en route. 
Nous avons rempli un questionnaire quelques semaines avant le rendez-vous. Très complet, depuis les circonstances de la grossesse en passant par les antécédents familiaux, les problèmes de comportement et la composition de la fratrie. Le médecin nous met à l'aise dès le premier abord, la collègue qui nous a adressés à lui est un excellent médecin, elle se trompe rarement.
On épluche le questionnaire ensemble. Il focalise très vite sur les "troubles de la communication". J'ai rempli le questionnaire en reprenant certaines expressions de "notre" pédopsychiatre, il pose des questions très ciblées. Qu'est-ce que j'entends exactement par "troubles de la communication" dans le questionnaire? A quel âge poussin a-t-il parlé, a-t-il des amis, comment joue-t-il avec eux? Nous lui décrivons le langage qui est venu tôt et bien, les jeux au parc au pied de notre immeuble, les petits voisins qui viennent jouer avec poussin et poussin qui joue volontiers à côté d'eux sans vraiment jouer avec eux. Je vois que ça fait tilt. Il pianote frénétiquement sur son mini-clavier super design.

Assez rapidement, il arrête de pianoter et nous demande, je ne sais plus exactement comment il a formulé ça: "Il y a déjà eu les gros mots?"
Nous nous engouffrons tête baissée dans le piège. Oui, poussin dit des gros mots, souvent, pourtant on essaie de ne pas trop en dire devant lui, mais bon.
Mais ce n'était pas ça. Les gros mots, ce sont ceux qu'il s'apprête à nous dire: "La vraie question, en fait, c'est de déterminer s'il a un TDAH ET un syndrome d'Asperger, ou juste le TDAH. Parce qu'on ne va pas s'y prendre de la même manière dans les deux cas". 

Gloups.

Nous en avions déjà parlé avec l'autre pédopsy, entre nous, avec d'autres parents, pourtant, ce n'est pas la même chose de l'entendre "pour de vrai". L'homme et moi nous nous regardons, je sens ma gorge se serrer, je fais semblant de chercher un truc dans le gros dossier bleu.
Quelques autres questions sur les intérêts restreints (petites voitures, moteurs, camions de chantier, tout y passe).
Puis c'est nous qui sommes sur la sellette. Nous pensons être TDAH tous les deux (oui, moi aussi, finalement). Est-ce que nous avons des amis proches? Est-ce que je garde facilement mes amis malgré mon impulsivité? Est-ce que j'arrive facilement à imaginer ce que ressentent les gens, à prendre en compte leurs sentiments?

Re-gloups.

Toi, mon coco, t'es en train de chercher si je suis aussi Asperger.
Bon, un à la fois, hein? (Oui, je fais l'autruche, là. Un tout petit peu.) (1)

Au final, nous convenons d'un autre rendez-vous avec poussin, sans trop tarder. Il sait que nous avons déjà déposé une demande de diagnostic au Centre de Ressources Autisme de l'hôpital Robert Debré, mais nous pouvons facilement attendre 12 à 18 mois avant d'être pris en charge et il juge préférable de ne pas perdre ce temps. Il va voir le zébulon en consultation, donc, et puis il nous aiguillera si nécessaire vers une consoeur spécialisée dans les TED. Et oui, encore une autre psy. Joie et bonheur dans les demeures (et oucéty qu'on va caser ça, et est-ce que ça va être à l'autre bout de Paris, et quoi qu'on fait de Petite Fleur pendant ce temps?)

Pour finir, nous lui demandons s'il pense commencer un traitement médicamenteux pour Poussin. Il n'est vraiment pas fan d'une mise en place avant 6 ans, il nous prescrira plutôt un traitement homéopathique d'abord, pour voir. Métaphore très parlante: "Avant d'essayer de tuer une mouche avec un canon, on va d'abord essayer avec un pistolet et voir si ça marche."

Dernier conseil, presque sur le pas de la porte: nous pouvons essayer de donner au zébulon... un peu de Coca, dans les situations où il est important qu'il soit concentré. Il sourit de nos regards effarés (donner du Coca? à un gamin monté sur ressorts? vraiment?) et puis je fais le rapprochement entre la caféine et la molécule active du médicament. Ah, d'accord. D'ailleurs, maintenant qu'on y repense, l'homme a fait toutes ses études en buvant des litres et des litres de Coca (et sans prendre un gramme, l'infâme).

Rendez-vous est pris pour début octobre, avec le zébulon. Et une perfusion de Coca.





(1) Depuis, j'ai fait ce test très complet (mais ça ne remplace pas un vrai diag avec un bon psy, hein):





dimanche 1 septembre 2013

Et pendant ce temps, au Canada...

Un très beau texte d'une bloggeuse canadienne, sur ce que c'est d'être la maman d'un enfant "différent":
http://www.yoopa.ca/blogueurs/billet/meres-et-monde-parallele

Veille de rentrée

Après-demain, c'est la rentrée des classes. Zébulon entre en grande section de maternelle, Petite Fleur en petite section. Je me pose des tas de questions. Quelles maîtresses auront-ils? Quels enfants du voisinage vont-ils retrouver dans leurs classes respectives? Zébulon aura-t-il "son" AVS dès la rentrée?

Je me pose des tas de questions, et je ronge mon frein. La liste des classes? Affichée lundi en fin d'après-midi. L'AVS? Impossible de joindre l'enseignante référente, son portable est sur messagerie (nous avons laissé deux messages) et elle n'a pas répondu au courriel que nous avons également envoyé.

Je me pose des tas de questions. Poussin entame sa dernière année de maternelle, et déjà je réfléchis à la "grande" école dans un an. Beaucoup de choses vont se jouer cette année, sans doute. J'espère que l'institutrice ne nous prendra pas pour des parents laxistes dotés d'un petit garçon bien mal élevé. J'espère qu'elle arrivera à trouver un mode de fonctionnement avec Poussin (parce que, je ne me fais pas d'illusions, avoir Poussin dans sa classe, ce n'est pas une promenade de santé). J'espère que cette année, les instits de maternelle se sont concertées plutôt que de refiler Poussin en douce à la dernière arrivée dans l'équipe. J'espère que l'AVS sera bien informée, qu'elle trouvera rapidement la bonne manière d'aborder Poussin, le bon dosage de douceur et de fermeté. J'espère qu'elle sera là, surtout.

Je me pose tellement de questions que les journées ne me suffisent plus. Cette nuit, donc, j'ai rêvé que poussin avait fait sa rentrée, et que j'attendais dans le couloir devant sa classe l'heure de la rentrée de Petite Fleur, qui bien sûr n'arrivait jamais. Dans le rêve, il avait la même instit méchante que l'an dernier (en vrai, elle n'était pas méchante du tout), et au bout de dix minutes de classe il s'était déjà fait punir. Ambiance.

Dernièrement, l'homme m'a fait remarquer que Petite Fleur sera scolarisée dans la même école, et que, enfin, les institutrices pourront constater par elles-mêmes que nous savons produire un modèle avec les options "respect des consignes" "rester assis sur une chaise" et "parler à moins de 120 décibels". Pas notre faute, donc, si le modèle n°1 ne présente pas ces options. Y'a eu comme un défaut sur la chaîne de montage, nous on n'y est pour rien.

Je sais que nous avançons, doucement, que notre Poussin a de la chance d'avoir une prise en charge adaptée, que nous avons, nous, la chance de savoir où chercher les réponses, d'être tombés sur des professionnels de santé compétents qui nous ont orientés vers d'autres professionnels de santé compétents, qui ont pu passer un coup de fil pour nous ouvrir une porte, nous aider à obtenir un rendez-vous. Je mesure le chemin parcouru, les errements de diagnostic que nous avons réussi à éviter, le chemin qui reste à parcourir.


*****

Edit 07/10/13

Gros ouf de soulagement pour cette rentrée. Une maîtresse super, qui gère les inévitables débordements sans s'offusquer, et UN AVS - pour l'instant, il est avec poussin à mi-temps, mais on nous promet une autre personne pour compléter les 20h attribuées à poussin, incessamment sous peu.




vendredi 23 août 2013

Alignement, vous avez dit alignement?

Depuis plusieurs mois, je poursuis mon immersion dans les mondes du TDAH et du TED. J'apprends plein de choses, je lis, je documente, je me renseigne. Il faut dire que je pars de zéro, surtout en ce qui concerne le TED: fiston a bientôt cinq ans, âge auquel nombre d'enfants TED sont déjà diagnostiqués depuis un bon bout de temps. En soi, c'est plutôt une bonne chose, car cela signifie que si TED il y a, c'est suffisamment léger pour être passé inaperçu pendant tout ce temps. Enfin, à nos yeux de novices, du moins.

Bon. Donc voilà que je lis à plusieurs reprises des descriptions d'alignements d'objets: c'est un des signes de l'autisme (attention, pas tout seul, mais associé à d'autres signes: c'est expliqué  entre autres). Dans le groupe de parents auquel je participe, je vois régulièrement passer des photos, alignements de Légo, de petites voitures, d'objets divers, parfois on dirait des inventaires à la Prévert.

Arrivent les vacances d'été, que nous passons avec mes parents. Il y a un tapis dans le salon (ça se voit qu'ils n'ont pas de chat, eux!). Et voilàtypas qu'un beau jour, je tombe sur ce tableau: zébulon a pris des gommettes autocollantes dans un livre d'activités et les a collées sur le tapis, en suivant un motif de fleurs. Tilt. Je prends une photo, et au retour des vacances, je mets en ligne cette photo (ci-dessous) dans le même groupe de parents TED. Grande naïve que je suis, je ne suis pas sûre que cela compte comme un "véritable" alignement: zébulon a suivi un motif déjà présent, après tout.


Gommettes collées sur les motifs du tapis

Les réponses n'ont pas tardé: "La question ne se pose même pas", "il est magnifique cet alignement", "superbe alignement, espaces réguliers, très beau". Me voilà fixée.
Ensuite, la conversation a dévié sur la portée de cet alignement par rapport à un éventuel diagnostic de TED: l'une dit que beaucoup d'enfants NT passent par ces phases, l'autre précise que ce qui fait la différence, c'est l'intensité et l'envahissement. Que parfois, enfants précoces, TDAH et autistes se ressemblent à s'y méprendre, avec des symptômes similaires. 
Conclusion: la nécessité du bilan au CRA parce que là-bas, sur l'ensemble des bilans, on pourra faire des observations nuancées, alignement, pas alignement, au fond peu importe, s'il y a quelque chose à voir ils le verront. Et, de toute façon, on oriente rarement les parents vers le CRA "pour rien".
Conclusion bis, appuyée par le constat d'une amie qui a croisé poussin quelques heures: il est parfaitement capable de "faire illusion", d'où une fois encore, la nécessité de l’œil affûté des spécialistes du CRA. Et, comme l'écrivait une autre personne, c'est encourageant, car cela signifie que le TED est sans doute léger, et que poussin a trouvé des compétences pour compenser ses difficultés.

Du coup, le lendemain de cette conversation, j'ai posté le dossier de demande de rendez-vous au CRA: demande argumentée des parents, lettre de la pédopsy, bilan psychomoteur, bilan orthophonique, et hop, en voiture Simone. (non, je ne m'appelle pas Simone.)

Vous avez dit alignement? Comme c'est bizarre!

***

Edit 01/09

Quelques jours après avoir posté ce billet, j'ai amené Zébulon chez la pédopsychiatre. Pendant que nous discutions AVS, MDPH et psychomotricité, il a réalisé un suuuuuuperbe alignement... tellement long que je l'ai photographié en trois parties!






vendredi 9 août 2013

Rue Gambett'

Cet après-midi, j'ai fait un truc de dingues (ou de ouf, si on est un d'jeuns): j'ai embarqué mon fiston pour faire quelques courses.

Les courses avec Zébulon premier, en règle générale, il vaut mieux oublier. Les magasins le mettent dans un état d'agitation intense, il saute partout, les petites mains touchent à tout et de préférence ce qui est fragile... impossible de le lâcher du regard, ne serait-ce que pour lire l'étiquette d'un paquet de spaghetti. Le drive est mon sauveur. (Bon, l'homme râle un peu quand il faut remonter les bouteilles d'eau et de lait depuis le niveau -1 du garage, mais ça lui fait les muscles).

Les courses alimentaires, donc, on oublie. Mais aujourd'hui, il fait beau, on est en vacances, j'ai envie de passer un peu de temps avec mon poussin, le papa a fait du zébulon-sitting ce matin, la petite est à la sieste et j'ai repéré un modèle de nappe qui n'est disponible que dans la ville d'à côté. Nous voilà donc partis tous les deux.

Au programme: acheter un moule à gâteau, passer voir au magasin pour la nappe, finir par la pâtisserie qui vend LES macarons-super-bons-qui-coûtent-un-bras, et en cadeau bonux (ou en pot-de-vin façon mère indigne, c'est selon), un tour de manège. Fastoche.

Premier magasin, la quincaillerie-coutellerie-articles de cuisine, ça va à peu près, j'arrive à éviter le rayon des couteaux, la vaisselle bien fragile posée en équilibre instable, à trouver le modèle de moule à gâteaux, et je repars avec un zébulon doté de tous ses doigts. Jusqu'ici tout va bien.

Petit tour dans la rue, je repère une tunique dans une vitrine. Je décide de tenter, je rentre, le temps de choper la tunique sur un portant et de filer à la cabine d'essayage (ouf c'est libre), le zébulon a déjà mis la zone dans une étalage de chaussures. J'essaye, tunique trop petite (grrrrr!), j'attrape la taille au-dessus, je demande au zébulon de reposer les chaussures, je retourne en cabine: ça va mieux, zébulon me dit "oh, elle est moins serrée celle-là" (re-grrrr), allez hop, emballez c'est pesé. On ne peut pas dire que j'aurai fait perdre du temps aux vendeuses. Le temps de payer, zébulon est déjà en train de lorgner sur l'étalage de bijoux. Vite, dehors. La tension commence à monter. Jusqu'ici tout va bien.

Dans la rue pleine de monde, zébulon lâche ma main, court, saute, court en sautant, saute en courant, ne regarde pas où il va. Heureusement, il ne s'éloigne pas trop et s'arrête quand je l'appelle. Il manque de  tamponner une poussette. Dans la poussette, un bébé de 8-9 mois. J'entends la maman dire au papa: "Tu vois, dans un an, il sera comme ça le nôtre". Je me retiens de me retourner pour leur dire que ça ne risque pas trop, que leur bébé n'aura sans doute pas une case en moins comme le mien. (#humournoirinside). Jusqu'ici tout va bien (ou presque).

Troisième étape, le magasin de linge. Je sens que zébulon est passablement énervé, je décide de tenter quand même, car je n'aurai pas l'occasion de retourner à ce magasin d'ici à la fin des vacances. Petite pause "rappel des consignes" avant d'entrer, oui, oui, comme dans Super Nanny, en se mettant à la hauteur du gnome et tout et tout: on se comporte correctement, on ne touche pas à tout, il y a plein de choses fragiles, bla bla, bla. Tu parles, Charles. A peine entrés, zébulon commence à toucher une nappe, puis un coussin, puis un grand rouleau de tissu, là dans le fond, qui a l'air suprêmement intéressant... Chaque fois, je suis obligée d'interrompre ma conversation avec la vendeuse pour aller le chercher. Je crois que je n'ai pas dû la laisser finir une seule phrase. Dès que je détourne le regard, c'est bêtise sur bêtise. Clairement, le seuil de saturation du poussin est atteint. Heureusement, je déniche dans mon sac un bout de ficelle avec lequel il a joué hier toute la journée. Ca calme un peu les choses.
J'hésite franchement à partir en laissant tout en plan, mais je m'entête, nous finissons par déterminer les dimensions nécessaires, et on passe à la découpe du tissu. La vendeuse me demande si le petit est toujours agité comme ça - elle a été très cool malgré les 36000 interruptions. J'explique donc que le gamin est hyperactif (je lui fais grâce du "petit" détail du TED), donc oui, il est tout le temps agité comme ça, non, ce n'est pas mon seul enfant, il y a une petite soeur, oui, elle est quand même plus calme, oui, zébulon est bien fatigué le soir, encore heureux.
Heureusement que c'est une boutique un peu BCBG, la vendeuse ne s'est pas permis de faire de réflexion. Comme toujours, j'ai du mal à déterminer si elle trouve le poussin mal élevé ou si elle comprend que je fais de mon mieux. Ce n'est pas vraiment le moment de faire une leçon en trois parties sur l'impulsivité, l'absence d'inhibition, tout ça tout ça.
Je sors de la boutique la boule au ventre. Il m'a fallu prendre sur moi, cadrer et canaliser toutes les 30 secondes sans lever la voix, sans m'énerver, SURTOUT ne pas m'énerver, ça ne fait qu'empirer les choses, le tout en maintenant une conversation à peu près cohérente avec une autre personne. Je suis usée, très énervée aussi. La boule au ventre mettra une bonne heure à disparaître. Rien ne va plus.

Dernière étape, la boutique des macarons - je crois que j'ai besoin d'un truc sucré, là. Heuseusement, cette fois-ci, tout est derrière une vitrine, nous terminons nos emplettes rapidement et sans encombre. Pause macaron et retour maison. Pour le tour de manège, on repassera. Ouf, zébulon a déjà oublié. C'est pratique, des fois, le déficit d'attention!

Leçon du jour: le seuil de tolérance de zébulon se situe à DEUX magasins. Au-delà, c'est l'enfer.

samedi 27 juillet 2013

Ampoules, vaisselle, et croquettes


Une petite explication que j'ai trouvée très claire, sur le fonctionnement cérébral d'une personne atteinte de TDAH.Copiée ici avec l'accord de son auteur (et quelques modifications mineures de mise en forme)Tu n'as pas de trouble particulier. Tu dois aller faire ta vaisselle. L'info dans ton cerveau, c'est comme une route qui s'allume. Pour la vaisselle, comme tu dois la faire fissa, Tu as 8 ampoules qui s'allument sur 10. Donc la vaisselle, tu dois et tu vas la faire; il te reste 2 ampoules de libres (de l'attention disponible) pour le cas où le tel sonne ou si le bb pleure. Donc si le tel sonne, tu vas décrocher et toutes tes ampoules sont bien lumineuses. Quand tu raccroches, tu as toujours 8 ampoules d'allumées : la vaisselle est toujours à faire, Tu le sais parce que le chemin de l'info est toujours bien tracé. Au retour, tu croises une paire de chaussettes qui traîne dans le couloir: une petite ampoule s'allume. La vaisselle d'abord ! Je rangerai le couloir après ! Si tu as un TDAH... ben déjà, tu n'as que 4 ampoules qui s'allument pour ta vaisselle, mais ça clignote parfois... du coup, si le tel sonne, ça te rallume 3 ampoules... et les 4 premières brillent un peu moins. en raccrochant ton téléphone, tes 4 premières ampoules sont a peine allumées... si bien que quand tu croises une paire de chaussettes dans le couloir, tes 4 premières loupiotes sont a peine visibles; par contre tu viens d'en allumer 2 qui brillent bien pour les chaussettes ! Tu files au bac à linge, et là tu croises nestor, le chat, qui miaule... Mince ! Les croquettes ! Tu as tes chaussettes dans les mains, mais les loupiottes éclairent bien peu a présent.. Tu en as rallumé 2 nouvelles pour commander tes croquettes sur internet... qui vont rapidement s'éteindre parce que tu as des notifs facebook....  . Tu quittes internet 4h plus tard. Tu n'as pas commandé les croquettes, et là tu te dis... mince, j'avais pas un truc a faire... ben si, il y a 4 misérables ampoules qui résistent tant bien que mal... le chemin a été noyé car les nouvelles ampoules qui s'allument brillent toujours plus que le premier chemin tracé. Il n'y a plus de tâche prioritaire, elles se succèdent les unes aux autres et a la fin, le chemin est illisible, on ne se souvient plus des choses à faire.Le mph (la molécule des traitements type Ritaline) fait briller les ampoules plus fort. pour qu'on puisse les éteindre chacune leur tour, et en empêcher d'autres de briller à tort et à travers.
Si au départ ton chemin s'allume correctement. avec du mph, tu vas intensifier l'éclairage... alors il y a des gens qui vont supporter de se prendre du 250V au lieu de 220... mais il y a des gens qui vont disjoncter.. puis tu imagines, si la dose que tu prends te fait passer direct à 400 volts...?
Merci à Chris du groupe HyperSupers pour cette métaphore... lumineuse!


mardi 23 juillet 2013

Salut Robert

Mardi 9 juillet. Tout début des vacances scolaires.  Le poussin a rendez-vous chez la pédopsychiatre.

Je l'aime bien, la pédopsychiatre. Elle est calme et posée, écoute, conseille, encourage. On ne la voit que de loin en loin - tous les un mois, un mois et demi - mais on sort regonflés à bloc de son cabinet. Elle dit qu'elle a un rôle de "chef d'orchestre": elle ne voit pas le petit très régulièrement mais elle est en contact avec les autres intervenants, la psychomotricienne, l'orthophoniste, la médecin scolaire.
Généralement, j'arrive avec plein de questions dans la tête, je ressors en ayant oublié d'en poser la moitié, et je me dis que la prochaine fois il faudra VRAIMENT que je les note, mes questions. 

Ce jour-là, comme d'habitude, on commence par faire le point de ce qui s'est passé depuis le précédent rendez-vous. Elle est au courant de l'équipe éducative de la semaine précédente, elle avait d'ailleurs écrit un petit mot qui avait été lu par la psychomotricienne. Elle pense qu'il vaut mieux, effectivement, que le petit continue à manger à la cantine l'année prochaine, quitte à le faire accompagner par l'AVS sur le temps périscolaire. Ce sera toujours mieux que de lui faire faire à pied le trajet école-maison deux fois supplémentaires, avec un raidillon à 17% de dénivelé et une baby-sitter qui s'occupera de lui comme elle pourra (ou pas).

Je sors ma pochette en carton qui contient les bilans médicaux et les divers documents administratifs - elle grossit à vue d'ieil, cette pochette. On regarde le "bulletin" scolaire, le bilan rédigé par la maîtresse, les dessins du petit. Elle essaie d'établir le contact, pose des questions sur les dessins, il esquive, comme d'habitude. Il n'aime pas venir ici, parler de lui-même, de pourquoi c'est si difficile de respecter les règles de l'école. J'ai essayé de lui expliquer pourquoi on venait, je ne sais pas si il a vraiment compris. C'est difficile d'expliquer "pédopsychiatre" avec des termes adaptés pour un enfant de quatre ans et demi.

Comme toujours, la pédopsy prend de mes nouvelles à moi, en écoutant VRAIMENT la réponse. Je m'autorise à baisser la garde et à lui dire que l'année scolaire a été très difficile, physiquement et mentalement, que je suis fatiguée d'avoir jonglé toute l'année entre mon boulot et le suivi médical du petit, mais que ça va, dans l'ensemble, mieux que la fois précédente. Pour l'année scolaire suivante, je n'ai pas demandé d'heures supplémentaires, ce sera un peu plus facile. Elle me dit simplement "oui, j'avais vu que ça n'allait pas fort, la dernière fois".

On parle de la suite des opérations. Elle me dit avec tout le tact possible que, tout de même, il va falloir songer à mettre en place une prise en charge médicamenteuse pour le petit. Nous en avions déjà parlé: normalement, les médicaments du TDAH, type Ritaline, sont prescrits à partir de 6 ans. Le poussin va avoir 5 ans en octobre, c'est un peu tôt mais elle pense tout de même que ce serait bien de commencer. Il y a beaucoup de répercussions à la maison, à l'école, dans la vie de tous les jours. Elle nous oriente vers un confrère parisien, spécialisé en TDAH, qui pourra faire les examens médicaux préliminaires, puis éventuellement la prescription.

Sujet épuisé, coordonnées du spécialiste notées, je prends une grande respiration et je pose une question qui me taraude depuis un bon moment. En observant le poussin dans sa relation avec les autres enfants,  la manière dont il communique avec nous,  sa façon d'éviter si souvent le regard des autres, en regardant évoluer les petits voisins au parc, je me dis qu'il y a, tout de même, une nette différence de fonctionnement. Le nôtre est TDAH, certes, mais cela n'explique pas tout. Je dis tout cela à la psy, je tourne un peu autour du pot, je finis par évoquer la médecin scolaire qui a noté dans son carnet, en lettres capitales: "TED?"

Le mot est lâché. TED, c'est le sigle de Trouble Envahissant du Développement, que l'on appelle aussi, parfois, Trouble du Spectre Autistique.
Autisme. Le terme fait peur, et pourtant, peur ou pas peur, je pense que, oui, mon fils est atteint d'une forme d'autisme. Peut-être "léger" - il parle, il exprime des émotions, il va a l'école - mais bien là, et suffisamment handicapant pour que j'arrête de faire l'autruche.

La psy n'est pas du tout surprise de ma question. Elle me répond doucement que oui, il y a probablement un souci de cet ordre-là, que cela se remarque dans le mode de communication du gamin, dans la manière qu'il a de "décrocher" parfois, d'être là sans être là. Elle pensait justement nous adresser à l'hôpital Robert Debré, à Paris, dans lequel il y a un Centre de Ressources Autisme (CRA). Là-bas, ils feront une batterie de tests complète au poussin, confirmeront au passage le TDAH (les deux troubles sont souvent associés, je l'ai appris récemment), feront un test de QI. Ce sera complet, on saura à quoi s'en tenir, mais cela prendra du temps, car le service est très demandé. Compter 18 mois à 3 ans d'attente. 

J'ai pleuré un coup, quand même. C'est une chose de se poser la question, c'en est une autre d'avoir confirmation par un professionnel de santé. Heureusement, il y a une boîte de mouchoirs à disposition en permanence sur le bureau de la psy. Elle s'est excusée de me faire pleurer, comme à chaque fois. Et comme à chaque fois, je lui ai répondu que ce n'était pas de sa faute. Pendant ce temps, le petit faisait une construction en Légo en évitant soigneusement de se mêler de la conversation.

En sortant, le poussin me dit: "Maman, on va au restaurant?"
C'est notre petit rituel d'après-psy. On a souvent rendez-vous en fin de matinée et, généralement, je sors de là pas mal chamboulée, sans la moindre envie de faire à manger. Nous allons dans un petit restaurant chinois avec buffet à volonté, bouchées aux crevettes et sauce piquante pour moi, riz cantonais et soda pour le petit. Je le regarde manger en l'observant d'un nouvel oeil. Le mot est lâché, pourtant c'est toujours mon gosse, il n'a pas changé depuis ce matin. C'est juste mon regard qui a changé. Il va me falloir du temps pour me faire à l'idée, je crois.

dimanche 7 juillet 2013

Equipe éducative

Mardi dernier, troisième et dernière équipe éducative de l’année à l’école du poussin.
Une équipe éducative, c’est un titre un peu ronflant pour dire qu’on prend tous les adultes concernés (la maîtresse, la directrice, les parents, les éventuels thérapeutes), on assoit tout le monde autour d’une table, et on discute le bout de gras. On écoute les uns et les autres, on dit ce qui ne va pas, on cherche des solutions, enfin, quand tout se passe bien. Nous, les parents, nous sortons de là avec l’impression d’avoir passé deux heures dans un shaker. J’avais prévu d’aller travailler tout de suite après la réunion, finalement je n’y suis allée que l’après-midi, et heureusement, parce que j’avais vraiment besoin d’une heure ou deux pour faire tampon.
Quand on monte un dossier MDPH, qu’on demande une AVS, ça fait du monde pour l’équipe éducative : l’instit, la directrice, le psy scolaire, les deux parents, la médecin scolaire, l’enseignant référent, la psychomotricienne, ouf, la salle de réunion est assez grande. Là, nous avons eu la notification MDPH en cours d’année : il y aura une AVS à la rentrée (encore faut-il trouver quelqu’un qui sera recruté ET formé ET qui sera capable d’accompagner notre petit sans se faire déborder). Cette dernière équipe éducative n’était pas franchement indispensable. Moi, je trouvais que c’était intéressant de faire le bilan de l’année scolaire, qui a été particulièrement houleuse. J’en ai touché un mot à la maîtresse début juin, elle a eu l’air récalcitrant, je n’ai pas insisté. La semaine dernière, on apprend qu’une EE est organisée aujourd’hui, à la demande de la directrice, qu’il nous appartient de contacter les intervenants non scolaires, ah et puis démerdez-vous pour vous faire remplacer au boulot en prévenant moins d’une semaine à l’avance. Ce n’était pas dit comme ça, évidemment, mais le résultat est le même. Heureusement que nous avons une certaine souplesse dans nos boulots respectifs. Il y a des gens qui posent des demi-journées de congés, pas le choix.
Bilan de l’année par la maîtresse : le langage ok, la motricité fine ça ne va pas, le comportement ça ne va pas du tout du tout. Au passage, chapeau à la maîtresse, quand même, qui a fait ça de manière neutre, alors qu’objectivement elle en a vu des vertes et des pas mûres toute l’année. La directrice y va de ses propres commentaires, lit le rapport du directeur du centre de loisirs. Raconte dans les détails les incidents qui ont émaillé l’année, détaille avec indignation les nombreux manquements à l’autorité. On le sait, que le gamin a du mal avec le respect de l’autorité, qu’il faut le recadrer en permanence. On est les premiers concernés, on passe notre temps à le canaliser et à gérer les débordements. Je me retiens de lui dire que nous ne sommes pas des parents démissionnaires.
On finit par identifier le problème particulier que pose la cantine : le bruit, l’agitation, la fatigue, les 180 ou 200 gamins qui mangent là quotidiennement, tout ça, visiblement, c’est trop. Le gamin mange à la table du directeur du centre de loisirs, qui est très bien dans le genre « fermeté en douceur », mais il y a tout de même eu plusieurs incidents à la fin de l’année scolaire. La directrice nous suggère de faire manger le gamin à la maison. Comment dire… nous travaillons tous les deux, donc cela implique de trouver une baby-sitter qui sera capable de canaliser le gamin (toujours le même problème), et qui devra lui faire faire l’aller et retour à pied (donc deux fois la pente à 17% entre la maison et l’école), le tout en 1h45… heu… non. Et je ne parle même pas de la différence de prix entre la cantine et la baby-sitter, ni de comment nous allons devoir nous débrouiller si la baby-sitter nous plante. Nous finissons par demander une augmentation des heures d’AVS pour que celle-ci puisse être présente à la cantine aussi, et on essaiera de trouver un endroit à l’écart pour que la gamin puisse manger au calme. Au niveau de la prise en charge, il y aura peut-être une deuxième séance de psychomotricité en petit groupe, encore faut-il pouvoir former un groupe avec des gamins d’un âge similaire, qui auront des pathologies compatibles.
Nous passons en revue les aménagements scolaires de l’année écoulée et décidons de les reconduire : la séance de psychomotricité a lieu le lundi après-midi, l’un des deux parents passe chercher le gamin dans sa classe pour le conduire à la séance. Et le jeudi après-midi, ce sera aussi un départ anticipé de l’école, pour alléger un peu le rythme. Tête de la directrice quand je demande à récupérer par la même occasion la petite sœur, qui entre en PS au mois de septembre. Ben oui, il y a toujours 15 à 20 minutes à pied et une pente à 17% entre l’école et la maison, alors si je peux éviter à tout le monde un deuxième aller et retour à 16h30… C’est pas gagné.
On en reste là pour cette fois-ci, l’heure tourne et il y a une autre équipe éducative pour le personnel de l’école.
Quand même, je me demande comment font les autres familles. Heureusement que nous pouvons nous organiser en fonction de ces contraintes-là. On le paye, bien sûr (qui c’est qui corrige des copies jusqu’à minuit certains soirs ?) mais globalement, quand même, ça roule.
Le terme « TDAH » n’aura pas été prononcé, d’ailleurs le psy scolaire n’y croit pas trop. Mais il est d’obédience psychanalytique, alors (chut !) je n’attache pas beaucoup d’importance à son avis. Pourtant, tous les symptômes « classiques » du TDAH sont là, l’agitation motrice, les difficultés pour se concentrer, pour mener une tâche à terme, la mise en danger, les problèmes pour rester dans le rang, pour attendre son tour. Prochaines étapes, la psy spécialisée, le diagnostic définitif, peut-être en milieu hospitalier.

Après la réunion, nous passons quelques minutes à discuter avec la psychomotricienne sur le trottoir. Elle nous redit que le gamin progresse bien malgré les débordements plus nombreux en fin d’année scolaire. Nous suggère un ou deux aménagements pratiques à la maison, a l’air surpris quand je lui dis que nous procédons de cette manière depuis bientôt un an. Visiblement, on gère. Ça fait du bien à entendre.

samedi 29 juin 2013

L'exutoire

Aujourd'hui, je suis allée à l'école de mon fils pour accompagner la sortie scolaire de fin d'année au cinéma.
13h30, j'arrive dans la classe.
13h32, je repars avec mon gamin sous le bras.

Entre les deux, la salle de classe: 25 gamins assis sur des bancs, et le mien en train de tenir tête à la maîtresse. Non il ne veut pas se comporter correctement au cinéma, non il ne veut pas respecter les règles. Non à tout.
La maîtresse tente une dernière approche, sans résultat, et puis retour à l'expéditeur.

Mon gamin a quatre ans et demi. Il a un TDAH avec un TOP associé.

13h50, arrivée à la maison, la tête basse, je laisse couler les larmes.
Je me sens démunie. Devant les difficultés du petit, bien sûr, et surtout parce que je ne sais pas à qui exprimer ce que je ressens, tout ce qui se bouscule dans ma tête. Les doutes, la fatigue, la colère, l'envie de baisser les bras, la lassitude qui m'envahit quand je pense aux années à venir, aux futures difficultés scolaires, aux rééducations et remédiations qu'il va falloir mettre en place. A toutes les fois où je devrai expliquer que non, mon enfant n'est pas mal élevé, qu'il est juste différent, que non, une bonne fessée ne réglera pas le problème, merci madame pour votre contribution constructive.

Elever un enfant TDAH, c'est être confronté en permanence à ses limites en tant que parent. C'est essayer de s'y prendre comme ci, et puis comme ça, et puis non comme cela (avec, au passage, moultes prises de bec avec l'homme). C'est trouver des solutions, ajuster le tir quotidiennement, affronter les regards des gens, essayer de rester en cohérence avec ses propres principes. J'ai choisi de pratiquer une éducation non violente avec mes enfants, je dois dire que ce choix est mis à rude épreuve, que c'est difficile de ne pas crier, de ne pas taper. Parfois, je craque et je mets une fessée. Que je regrette instantanément. Deux pas en avant, un pas en arrière.
Et puis il y a les limites physiques aussi. La fatigue (et encore, le nôtre dort bien), le stress, le boulot, et puis garder des ressources et du temps pour la petite soeur (elle n'a demandé à personne, elle, d'avoir un grand frère TDAH qui vampirise l'énergie de ses parents), pour l'homme, pour soi-même.

Donc, j'ai repris des études: master de parentalité appliquée, option TDAH, UE optionnelles CNV et troubles dys. Je lis, je discute, je m'informe, je participe à des réseaux de parents d'enfant TDAH (très important, ça, j'y reviendrai). Il y a tout à apprendre en même temps, depuis les origines neurologiques du trouble jusqu'à l'art et la manière de monter un dossier MDPH, en passant par les facteurs de risque (là, j'ai tout faux, mais c'est trop tard pour faire marche arrière: l'homme est TDA lui aussi, sa mère également). Ah oui, et puis il y a l'option "langue étrangère" aussi: on apprend à communiquer par sigles, TDAH, TOP, TED, EIP, HP, WISC, EE, MDPH, ER, AVS, NT, et j'en passe. Impression bizarre de ne plus tout à fait parler la même langue que les gens autour de nous, ceux qui ont des enfants "normaux" (ou NT, vous suivez?). 

Pour finir ce premier billet, revenons au commencement. Pourquoi "exutoire"? Parce que j'ai besoin d'un endroit pour m'épancher et déverser ce que j'ai sur le coeur. J'ai beaucoup de soutien de mes proches, de l'homme, des copines sur différents groupes (coucou les copines, vous vous reconnaissez?). Pourtant, parfois, je me sens isolée, ou tout simplement, je n'ose pas aller parler à untel ni me plaindre auprès d'unetelle, de peur qu'il ou elle se dise "mais qu'est-ce qu'elle a encore avec son gosse!". 
Et puis, tant qu'à faire, tant qu'à rassembler des infos, si ça peut servir à quelqu'un d'autre, tant mieux!