L'orientation, normalement, les parents commencent à s'en préoccuper vers la fin du collège (et encore!). Dans la plupart des cas de figure, "on" a fait le primaire et le début du collège tranquillou peinard, avec un gamin qui se débrouille plus ou moins bien, qui est adolescent et qui a peut-être déjà une petite idée de ce qu'il aimerait faire de sa vie et du parcours scolaire ad hoc pour y arriver.
Ça, c'est le cas de figure théorique. Quand on a un gamin hors normes comme le nôtre, on gagne au loto et on ne fait rien comme les autres. Nous, on se pose la question à la fin de l'école maternelle. Zébulon est actuellement en grande section, il doit donc *normalement* passer en CP à la rentrée de septembre. Ou pas.
Nous avons eu droit à une bonne douche froide lors de l'équipe éducative de janvier. L'institutrice, la directrice, l'enseignante référente, toutes en chœur: Zébulon a de bonnes capacités, les acquis attendus en cours de GS sont en place (sauf en graphisme), MAIS. Et que je te déroule tout ce qui ne va pas: agitation, difficultés de concentration (sans blaaaaague?), opposition, et j'en passe.
Pour conclure que non, décidément, elles ne voient pas notre gamin arriver à s'insérer dans un CP normal, même avec AVS. Et de nous proposer une orientation en CLIS.
Petite parenthèse. La CLIS, si vous ne connaissez pas (nous non plus, on ne connaissait pas, avant), c'est une CLasse pour l'Inclusion Scolaire. Retenez bien le terme "inclusion", c'est important.
Définition du site Eduscol: " [La CLIS] a pour mission d'accueillir de façon différenciée dans certaines écoles élémentaires [...] des élèves en situation de handicap afin de leur permettre de suivre totalement ou partiellement un cursus scolaire ordinaire" (la page en question, déjà citée dans un autre article, est par là).
En pratique, c'est un petit groupe de 6 à 12 élèves, un instit spécialisé, une AVS "mutualisée", et un programme scolaire "à la carte", selon les capacités de chacun. Le dispositif est habituellement proposé à partir du CE1, quand il y a déjà un retard dans les acquisitions. L'inclusion, c'est dans la mesure du possible, faire passer aux gamins, au cas par cas, quelques heures dans une classe "ordinaire" correspondant soit à leur âge (pour les matières "non fondamentales", par exemple le sport), soit à leur niveau scolaire réel (pour les matières "fondamentales", par exemple lecture et écriture).
Là, normalement, ça fait tilt à plusieurs endroits. Lisons un peu entre les lignes.
Retard dans les acquisitions scolaires???
A partir du CE1???
Principe d'un décalage entre l'âge réel du gamin et les acquisitions attendues à cet âge????
Inclusion possible, mais pas obligatoire?
PAS D'AVS INDIVIDUELLE?
Nan mais ho, vous l'avez bien regardé le gamin, là? Mesdames et messieurs de l'institution scolaire, vous êtes bien sûrs que ça correspond vraiment à ses problèmes à lui? A ses capacités? A son fonctionnement? Vous êtes en train de chercher une solution constructive, là, ou vous êtes en train de refiler le gamin chiant à une autre école (et les parents pénibles avec)?
En vrai, le jour de la réunion, on n'a pas du tout réagi comme ça. On est restés comme deux ronds de flancs, on ne connaissait pas suffisamment bien le système, et on s'est retrouvés à discuter benoîtement des avantages et inconvénients des deux CLIS envisageables dans notre commune.
Cerise sur le gâteau, la moitié de la réunion a été monopolisée par le psychologue scolaire, un homme adorable, mais qui adore s'écouter parler et surtout, qui est de l'école freudienne. Ce qui veut dire qu'il n'a aucune connaissance scientifique solide sur les troubles envahissants du développement. Non monsieur, il ne s'agit pas d'un problème relationnel avec la mère (grrrr!). Non, les "ateliers thérapeutiques" que vous nous proposez en long, en large et en travers ne feront pas avancer le Zébulon, bien au contraire. Ce qu'il lui faut, ce sont des prises en charge comportementales: psychomotricité, orthophonie, travail sur les habiletés sociales. Ce que nous avons déjà mis en place, tout seuls comme des grands, car nous avons eu la chance d'être bien conseillés dès le départ. Il est bien gentil le monsieur, mais ce qu'il propose, au mieux c'est inutile, au pire ça fait du dégât, et puis ça nous fait perdre du temps pendant la réunion.
Heureusement, ce jour-là, nous avons eu le bon sens de ne rien signer sur-le-champ. Et une fois rentrés à la maison, renseignements glanés à droite et à gauche (bénis soient les collectifs de parents!), et après avoir pris le temps de digérer tout cela... la moutarde a commencé à me monter au nez. Tout doucement. Puis de plus en plus fort. Et maintenant, un mois et demi après, je suis encore très très énervée.
Entendons-nous bien, je n'ai rien contre le système de la CLIS en lui-même. C'est bien que cela existe, et il y a des tas d'enfants qui en tirent sûrement de réels bénéfices.
Pour mon gamin à moi (vous savez, le petit garçon plutôt intelligent qui joue aux Légo dans le fond de la classe, qui arrive à suivre à l'école même en ratant un certain nombre d'heures de cours pour ses prises en charge), pour ce gamin-là donc, je pense sincèrement qu'une orientation en CLIS serait un pis-aller. Qu'il y perdrait le bénéfice d'une AVS à plein temps rien que pour lui, qu'il serait tiré vers le bas à la fois en termes de troubles du comportement et en termes d'acquisitions scolaires.
Oui, mon gamin vous dérange, oui, il est difficile, oui, ce doit être compliqué de gérer un élève super opposant au milieu de 30 autres.
Mais NON, il n'a pas de déficit cognitif, pas de retard scolaire, pas de troubles du langage majeurs.
Donnez-lui une petite chance, s'il vous plaît, avant de le coller d'office dans une voie de garage. Laissez-le au moins tenter une année de CP avant de l'orienter vers la CLIS. Ça tombe bien, c'est ce qui est prévu dans les textes, justement. Et même que si ça se trouve, il s'y trouvera plutôt bien, en CP.
Moi, je suis sa maman, je ne suis pas forcément objective. Mais là tout de suite, je pense que mon fils tirera davantage profit à être parmi 25 ou 30 gamins "standard", avec son AVS à lui, qu'à se retrouver parmi 6 ou 7 gamins qui cumuleront retard de langage (voire pas de langage du tout), retard scolaire, troubles du comportement.
Bien sûr, vous allez me répondre que je ne suis "que" sa maman, que je ne me rends pas forcément compte de ce qui est le mieux pour lui. Vous allez me suggérer ceci à mots couverts: il ne faut pas se faire d'illusions, le milieu ordinaire ce n'est pas pour les gamins comme lui, il faudra bien que je me fasse une raison.
Peut-être que vous avez raison et que moi, je me voile la face. C'est cela ma plus grande crainte: pousser le Zébulon vers une structure qui ne lui conviendra pas, parce que moi, avec mon prisme de maman, d'enseignante, d'ancienne bonne élève sans problèmes, je m'imagine que ce sera mieux pour lui. J'espère sincèrement ne pas me tromper, j'espère sincèrement prendre la bonne décision et ne pas casser du Zébulon en cours de route. Mais ma tête, mon cœur, mes tripes me disent que ce choix est le bon, que même si, plus tard, l'orientation en CLIS deviendra peut-être nécessaire, il faut tenter le milieu ordinaire d'abord, ne serait-ce que parce que la transition est plus facile dans un sens que dans l'autre.
Regardez un peu autour de vous, mesdames et messieurs de l'institution scolaire. Vous pensez peut-être bien faire, mais en Grande-Bretagne, dans les pays scandinaves, un peu partout en Europe, ce sont 60 à 80% des gamins TED qui sont scolarisés en milieu ordinaire. (voir par ici, ou encore par là à la page 6- c'est en anglais, désolée). Ça ne vous fait pas réfléchir un tout petit peu? Et si c'était une bonne idée de laisser ces gamins le plus longtemps possible dans des classes "normales", avec des prises en charge adaptées?
Vous nous proposez une classe dite "d'inclusion"? Eh bien moi, ce que je veux pour mon gosse, c'est une véritable inclusion scolaire. Et même que ça devrait être normal pour TOUS les gamins TED. Oui oui, même ceux qui sont non verbaux. Figurez-vous que souvent, ils comprennent très bien. Et même qu'on ne devrait pas avoir à se battre pour ça (car nous allons devoir batailler ferme, je n'en doute pas une seconde, même si théoriquement le choix de l'orientation revient aux parents en dernière instance). Et même que je n'ai pas l'intention de lâcher le morceau.
Un tantinet énervée, je suis.