Bilan chez l'orthophoniste pour la "pragmatique du langage".
La première, consultée au printemps, a évalué les aspects plus classiques de l'orthophonie, la prononciation, la syntaxe, la compréhension, l'intelligibilité. Elle n'a rien décelé de particulier de ce côté-là, notant simplement un manque de contact visuel.
Le pédopsychiatre vous oriente donc vers une autre orthophoniste, spécialisée en suivi des TED, pour évaluer la fameuse "pragmatique du langage", c'est-à-dire la capacité à utiliser le langage pour communiquer avec autrui (comment le contact est établi et maintenu, comment l'enfant s'y prend pour entretenir une conversation, pour signaler qu'il ne comprend pas, etc). Dans son cabinet, je remarquerai un support pour pictogrammes, utilisé avec des enfants TED non verbaux.
Le bilan a été effectué en deux fois eu égard à l'âge de poussin et à ses capacités d'attention (ou absence des susdites). Entre les deux, une semaine pour remplir, nous les parents, trois questionnaires (le plus long faisait dix-sept pages!) et les renvoyer à la dame par courrier électronique. Nous nous sommes d'ailleurs rendus compte que nous n'avions pas toujours la même perception des choses. Quelques discussions intéressantes à la clé.
J'ai trouvé le processus fascinant, abstraction faite de l'aspect "c'est mon gosse qu'on est en train d'évaluer, là". J'enseigne une langue vivante, ce qui fait que je ne pars pas en courant quand on commence à me parler de phonèmes et d'aspects morpho-syntaxiques de ceci ou cela. Et comme le langage, c'est un peu mon fonds de commerce, j'ai ouvert bien grand mes mirettes et fait travailler mes petits neurones.
Première séance.
Quelques questions sur le développement du langage, l'orthophoniste abandonne rapidement cette piste. Nous parlons brièvement école, AVS, psychomot, TDAH. Pendant ce temps, poussin fait des puzzles alphabet.
Premier test. La dame lui demande un dessin... sans lui donner de crayon. Zébulon commence par dessiner sur la feuille avec son doigt; au bout d'un moment, illumination: "mais y'a pas de crayon!" Crayon obtenu, il doit représenter une fleur (tiens, je ne l'avais jamais vu faire, il dessine plutôt pas mal, il s'applique pour que les pétales ne dépassent pas) puis une "valune". Demande d'explicitation immédiate. Ouf maternel. Finalement, une "valune", c'est "un peu comme une voiture". Il commence à dessiner les roues de la voiture, perd le fil, le dessin part dans tous les sens.
L'orthophoniste met en place une caméra pour la suite du bilan, ce qui lui permettra de visionner tranquillement l'enregistrement plus tard au cas où elle n'aurait pas tout noté. Zébulon est fort intéressé, mais aura bien du mal à rester dans le champ de la caméra pendant toute la séance!
Ensuite, elle sort un sac avec de petits personnages, un chat, un chien, un banc. Cela lui servira à vérifier la compréhension et la production de catégories telles que masculin/féminin, singulier/pluriel, devant/derrière, les adjectifs possessifs, le passif et l'actif (et d'autres encore, sans doute). Il faut régulièrement recentrer poussin sur le test, il a tendance à attraper la petite voiture et à la faire rouler sur le mur. A la fin, la dame me dit qu'il comprend très bien et qu'elle a peut-être choisi un test un peu trop simple. J'avais retenu une question qui disait à peu près "la petite fille s'est fait mal, montre-moi l'image correspondante". Je demande à l'orthophoniste ce qu'elle a noté pour cette question: bim, item raté. Du coup, elle lui lit une histoire qui comporte beaucoup d'implicite. Je vois bien que la compréhension ne suit pas.
Fin de la première séance. Il était temps, il commençait à faire grimper sa chaise sur le mur.
Interlude d'une semaine. Devoirs à la maison pour papa et maman. Prérequis à la communication, communication non verbale, expression verbale, et tout et tout.
Deuxième séance.
Cette fois-ci, j'attends dans la salle d'attente pendant la suite du bilan. Je comprends à peu près ce qui se dit à travers la porte close, mais il faut tendre l'oreille. Ils racontent des histoires, nomment des sentiments et émotions (sans doute à l'aide d'un livre). Ça roule pendant un moment, jusqu'à ce qu'elle lui propose un jeu de dînette, puis tente de jouer avec lui. Énervement immédiat du poussin, éclats de voix, j'entends "non, ce n'est pas les petits garçons qui décident ici", suivi presque immédiatement par le bruit d'un objet qui heurte la porte. Ambiance. L'orthophoniste fait sortir un zébulon tout énervé et me fait entrer dans le bureau. "Et il est souvent opposant comme ça?" "Oh que oui *soupir* " "Bon, alors il va falloir que je trouve comment gérer ça". (Viens là que je t'embrasse, madame).
Premier bilan oral: il y a bien des difficultés pour identifier et exprimer les sentiments, les émotions. Un suivi hebdomadaire est mis en place.
Bilan écrit, reçu une semaine plus tard environ: pour la première fois, en toutes lettres, "trouble envahissant du développement". Bim.
Le "programme de travail" semble bien calibré: scénarios sociaux, théorie de l'esprit (ou comment apprendre à Zébulon à inférer ce que pensent les autres, il ne sait pas le faire), informativité.
Et apprendre à dessiner une valune, bien entendu.